Joachim : c'est le nom de la première tempête qui a frappé notre département dans la nuit du 15 au 16 Décembre 2011 après une diète météorologique d'un peu moins de 2 ans sans tempête (depuis Xynthia le 28 Février 2010) ! Celle-ci a occasionné de nombreux dégâts matériels mais, fort heureusement, sans victime. Nous allons donc revenir, dans ce dossier, sur ce seul évènement marquant de l'année 2011 (en dehors de l'exceptionnelle douceur).
Déjà plusieurs jours avant la tempête Xynthia, les modèles météorologiques et les prévisionnistes, amateurs comme professionnels, commençaient déjà à entrevoir ce phénomène.
En effet, le potentiel tempétueux était déjà envisagé plus d'une semaine auparavent. Les incertitudes étant encore nombreuses, seule une période de temps très agité pouvait être envisagée, sans être en mesure d'apporter plus de détails.
C'est à partir du 12 Décembre que la prévision gagne plus nettement en lisibilité, et le passage d'un fort coup de vent est devenu évident, avec des rafales supérieures à 100km/h envisagées. Comme dans la plupart des situations de ce type, l'intensité et la localisation géographique précises sont des paramètres qui deviennent réellement fiables que 24h avant l'échéance; l'incertitude était encore omniprésente.
Synoptiquement, cette tempête a pour origine une perturbation barocline apparue sur la côte Est des Etats-Unis, qui va rapidement entrer en interaction avec un vortex polaire concentré, et matérialisé entre autre, par un jet rectiligne sur la traversée Atlantique, d'où une zone barocline bien établie à notre latitude.
Les cartes suivantes ont pour objectif de permettre de se rendre pleinement compte des ingrédients qui ont permis à la mécanique de se mettre en place.
A commencer par le paramètre "theta E à 850hPa" qui marque ici une advection chaude. Cette langue d'air tropical est autant d'énergie potentielle disponible à être convertie en énergie cinétique quand l’interaction se produit pendant une cyclogenèse. Cet apport massif d'air doux et humide permet aussi à de fortes précipitations de se produire dès lors que l'eau contenue se retrouve dans une masse d'air en modification, qui perd la propriété de retenir autant d'eau. On parle d'un changement de rapport de mélange, zone frontale.
L'anomalie de basse tropopause qui constitue une base cyclonique qui, en présence de tous les éléments nécessaires, a permis le phénomène d’autoamplification. Cette anomalie prononcée mais assez peu percutante en terme d’entraînement cyclonique, a contribué au caractère modéré de Joachim, en lui évitant un emballement plus explosif.
Cette anomalie basse, défilant de façon plutôt parallèle aux latitudes, et située entre l'Angleterre et le Nord de la France, est à l'origine de la formation d'un axe pluvieux soutenu et durable, qui a apporté entre 30 et 50mm sur nos contrées. Les cartes ci-dessous mettent clairement en avant d'abord le frond froid durable en marge de l’anomalie basse, et les précipitations associées sur la seconde.
Enfin, le courant jet a lui aussi été un facteur essentiel en permettant à la dépression de circuler rapidement, ce qui a pour effet d'augmenter la force du vent sensible.
C'est donc cette situation qui a ensuite permis à la dépression de se creuser pour atteindre le stade de la tempête peu avant d'atteindre notre littoral, ce qui nous emmène pour finir sur cette partie à la carte ci-contre, qui affiche la synoptique au moment où Joachim a atteint notre département.
Jeudi 15 décembre, à 7h00 : Comme prévu par nos modèles météo, la tempête se prépare sur l'Atlantique. On observe deux creusements dépressionnaires au large : l'un à 995hPa au large de Terre-neuve et l'autre à 1000hPa au milieu de l'Océan. C'est ce dernier qui nous concernera ces prochaines 24 heures et qu'il faudra surveiller. Le vent reste modéré ce matin et un peu plus soutenu sous averses. Celles-ci peuvent être localement orageuses et grêligènes : prudence. Les rafales atteignent de 70 à 80km/h sur la côte, moins dans les terres. A noter que dans la nuit de Mardi à Mercredi, de fortes rafales descendantes ont provoqué des dégâts notamment à Saint Hilaire de Riez et La Roche sur Yon.
18h00 : Comme prévu, la dépression est actuellement au large de la Bretagne et est pointée à 990hPa. Le vent se renforce progressivement et atteint 60 à 70km/h dans l'intérieur, 70 à 80km/h sur le littoral et 80 à 90km/h sur Yeu. Aussi, de fortes pluies s'abattent sur le département, on relève de 5 à 15mm ces 12 dernières heures.
20h00 : Le vent se renforce de plus en plus puisqu'on atteint 111km/h sur l'Ile d'Yeu, et de 80 à 90km/h sur le reste du littoral. Dans les terres, le vent est plus faible avec de 60 à 70km/h. La pression varie de 1010 à 1006hPa du Sud-est au Nord-ouest.
22h00 : Des coupures de courant sont déjà signalées comme par exemple aux Sables d'Olonne à 21h même si l'électricité est revenue. Le vent est de plus en plus violent. Les rafales atteignent 100 à 110km/h sur la côte et jusqu'à 115km/h sur Yeu, 80 à 90km/h dans le centre Vendée et 70km/h dans l'Est du département. La dépression est en phase de creusement intense avec dernièrement 985hPa en son centre.
23h00 : Le vent s'amplifie encore, notamment dans les terres. On relève de 110 à 120km/h en front de mer et 90 à 100km/h dans l'intérieur des terres (80km/h à Pouzauges). De nombreuses coupures de courant sont déjà signalées. La dépression a un léger retard au niveau du déplacement mais elle est aussi creuse que prévue (984hPa).
Vendredi 16 décembre à minuit : Peu de changements depuis 1h. Les vents restent violents avec de 100 à 110 sur tout le littoral et même 120km/h par endroit (Yeu et Noirmoutier). Dans les terres, les rafales varient entre 90 et 100km/h partout. Et ce n'est pas fini ! La tempête va encore durer plusieurs heures et se renforcer : prudence !
2h00 : La dépression circule actuellement sur la Manche avec un coeur pointé à 979hPa. Les vents sont toujours très violents en Vendée : 100 à 110km/h dans les terres (108km/h à La Roche sur Yon et La Mothe Achard, 106km/h à Luçon), 115 à 130km/h sur le littoral (117km/h à Noirmoutier, 134km/h sur l'Ile d'Yeu). La pluie se calme, il est tombé de 30 à 40mm généralement dans l'intérieur des terres en 24h et dont le principal en 12 heures.
6h00 : La tempête frappe de plein fouet la Vendée, on mesure dernièrement 131km/h à l'Ile d'Yeu, 119 à Noirmoutier, 114km/h à La Roche sur Yon et plus généralement de 100 à 110km/h dans les terres. Le front froid aborde la Loire-Atlantique, il faudra le surveiller car il pourrait être générateur de violentes rafales de vent prochainement avant la bascule des vents au Nord-ouest et sa baisse en intensité. Nous somme donc au summum de la tempête.
7h30 : De nombreux dégâts sont signalés ce matin sur la Vendée : toitures arrachées, arbres couchés ... A 6 h ce matin, près de 30 000 clients étaient privés d'électricité en Vendée. La dépression s'évacue sur le Bénélux et le froid froid caractérisé par une ligne de grains commence à traverser le Nord du département. Prudence : les rafales pourraient encore être violentes avant le basculement des vents au Nord-ouest.
Voici les plus fortes rafales enregistrées sur la Vendée : 102km/h à Pouzauges et Fontenay le Comte, 109km/h à La Mothe Achard, 112km/h à Saint Gemme la Plaine, 113km/h à Palluau, 115km/h à La Roche sur Yon et Le Perrier, 116km/h au Château d'Olonne, 120km/h à Noirmoutier et enfin 134km/h sur l'Ile d'Yeu !
Une tempête qui est finalement tout à fait classique au niveau de la force du vent mais exceptionnelle concernant sa durée puisque pendant 12 heures, les vents ont dépassés les 100km/h sur l'Ile d'Yeu et 9h avec des vents supérieurs à 90km/h sur La Roche sur Yon. Les vents moyens ont été assez impressionnants avec jusqu'à 82km/h de 4 à 5h sur l'Ile d'Yeu
Peu de dégâts sont observés en bordure littorale concernant la marée puisque celle ci est restée relativement modérée (coefficients de 71 et 69) avec les vents forts coïncidant avec la basse mer. Cependant, de fortes vagues ont déferlé sur nos rivages comme en témoignent les photos de Daniel HUBERT ci-dessous.
A Saint Hilaire de Riez, 74 personnes ont été évacuées et placées dans un centre d'hébergement par mesure de sécurité dans le courant de la nuit. En effet, les secours craignaient que la dune de La Pège ne résiste pas à la marée haute.
Ce sont plutôt des dégats matériels qui ont été recensés et notamment sur la végétation. Les pompiers sont intervenus plus de 600 fois sur le département pour des chutes d'arbres et des inondations. Environ 30 000 foyers Vendéens ont été privés d'électricité. Le trafic ferroviaire a été fortement perturbé au niveau régional pendant plusieurs heures.
De manière plus locale, les dégâts ont pu affecter des bâtiments, comme à Mouilleron le Captif où une partie des toits des commerces du centre-ville s'est soulevée pour atterrir quelques dizaines de mètres plus loin, dans une rue.
En dehors des dégâts dûs au vent, la pluie est tombée en abondance avec parfois plus de 50 mm d’eau en deux jours (79,6mm à Fontenay le Comte, 67,1mm à Aizenay ou encore 55,9 mm à La Roche-sur-Yon cumulés sur les 15 et 16 décembre). Le bocage et le marais Vendéen se retrouvent alors inondés localement. Roland85 a pu immortaliser le phénomène à Saint-Urbain, dans le nord-ouest du département (photo en bas de page) ou encore Music85 à La Roche sur Yon.
Dossier réalisé par Léo M., Valentin PERRAULT et Sébastien VENDE.